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Deux mandats

Une question a agité le monde médiatique ces dernières semaines, alimentée par des analyses de constitutionnalistes. Elle est due à un avis rendu par le Conseil d’État, dont certains journalistes se sont emparés pour faire peser un doute sur l’interprétation d’une disposition constitutionnelle, qui paraissait pourtant univoque.

La disposition en cause est inscrite au second alinéa de l’article 6 de la Constitution et limite le nombre de mandats que le Président de la République peut exercer, en indiquant : « Nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. »

Saisi pour avis de l’interprétation à retenir d’une disposition similaire, mais néanmoins bien différente, inscrite dans la loi organique relative à la Polynésie française, le Conseil d’État a retenu, le 18 octobre dernier, « qu’une personne ayant exercé deux mandats successifs, dont l’un est inférieur à cinq années, peut légalement briguer un troisième mandat ».

Soixante ans d’élection directe du Président de la République

À l’heure de la création d’un conseil national et autres comités ou conventions de citoyens tirés au sort, l’idée la plus efficace qu’on ait eue pour revivifier la démocratie, c’est encore de proposer aux citoyens de voter.

C’est ce que fit le Général de Gaulle, il y a soixante ans, lorsqu’il proposa d’élire le Président de la République au suffrage universel direct. Le contexte était évidemment particulier : la Ve République n’avait que quatre ans, les Accords d’Évian mettant un terme à la guerre d’Algérie avaient été votés, le Premier ministre avait été changé et de Gaulle venait d’échapper à un attentat qui faillit lui coûter la vie. L’élection présidentielle directe est toutefois venue parachever la transformation du régime, entamée en 1958 par l’adoption de la nouvelle Constitution, à double titre.

D’une part, elle vient définitivement conférer au Président de la République une légitimité qu’il ne doit plus qu’à lui-même – et, à vrai dire, à son parti –, selon la volonté originelle du Général de Gaulle de déconnecter l’Exécutif et son chef du Législatif et ses représentants. D’autre part, elle est à l’origine du fait majoritaire, qui contribua nettement à la stabilisation du régime.

Défendre les valeurs républicaines

L’événement est suffisamment rare et grave pour mériter une attention particulière, même plusieurs jours après qu’il est survenu.

Au cours de la séance des questions d’actualité au Gouvernement (QAG) du jeudi 3 novembre après-midi, alors que Carlos Martens Bilongo, député de la Nation et élu dans le Val d’Oise (LFI-NUPES), interrogeait le Gouvernement sur la situation du navire Ocean Viking, en situation de détresse en mer Méditerranée avec plusieurs centaines de migrants à bord, un autre député, issu des bancs de l’extrême droite, a crié « qu’il retourne en Afrique ! », comme attesté par le compte-rendu intégral de la séance.

Parlait-il du navire ? Des personnes à bord (mais alors, au-delà même de la faute d’accord du verbe, c’est le pronom lui-même qui est erroné) ? Du député qui posait la question ? On ne le saura jamais avec certitude et, à vrai dire, là n’est pas la question.

L'instant du 49.3

Ce billet est initialement paru sous forme de tribune sur Le Monde le 19 octobre 2022.


Le recours au « 49.3 », en référence à l’article 49, alinéa 3 de la Constitution, est généralement perçu comme une violation des principes démocratiques et une atteinte portée au parlementarisme. Cette perception est à la fois justifiée et erronée : tout dépend de l’instant auquel il est mobilisé, cet instant étant généralement lié à la finalité pour laquelle il est activé.

Rappelons que ce mécanisme puissant de rationalisation du parlementarisme, introduit en 1958 et limité en 2008, peut être actionné à tout instant du débat législatif, à l’initiative du Premier ministre et à la condition que la possibilité d’y recourir ait été préalablement délibérée en Conseil des ministres. Il permet d’interrompre immédiatement tout débat sur le texte en discussion. Le texte est alors considéré comme adopté, sans vote, sauf à ce qu’une motion de censure soit déposée dans les vingt-quatre heures suivant l’activation. Si tel est le cas, la discussion porte alors sur cette motion de censure, dans les conditions prévues à l’article 49, alinéa 2 de la Constitution, à savoir un débat entre les soutiens et les opposants à cette motion, laquelle est mise aux voix au moins quarante-huit heures après son dépôt, seules les voix qui lui sont favorables étant recensées (celles qui sont donc opposées au Gouvernement et qui souhaitent son départ). Le Gouvernement est renvoyé et, par la même occasion, le texte est rejeté que s’il se présente une majorité absolue des députés (soit 289) pour voter la motion.

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