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L’État ne doit pas renoncer aux réponses graduées

Tribune parue sur Lemonde.fr, le 16 novembre 2015

L’état d’urgence est le premier mécanisme parmi plusieurs niveaux de réponses à une situation d’une particulière gravité. Issu de la loi du 3 avril 1955, il se distingue ainsi de l’état de siège et des pouvoirs exceptionnels, respectivement régis par les articles 36 et 16 de notre Constitution. Décrété en Conseil des ministres – d’où la réunion en urgence samedi à minuit –, il constitue le fondement de décisions de police administrative, permettant de réduire les libertés publiques dans des proportions impossibles en période normale, en raison d’un « péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public » ou « d’événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique ». Par conséquent, il n’a d’autres conséquences que de permettre des mesures exceptionnelles, mais il ne saurait les instituer lui-même.


Il appelle d’autres décisions, prises ultérieurement par le ministre de l’intérieur ou le préfet, c’est-à-dire des autorités administratives. Ils peuvent alors notamment limiter la liberté d’aller et venir en instituant des couvre-feux dans certaines zones, ou ordonner la fermeture de certains lieux recevant du public (débits de boisson, salles de spectacle, etc.). Généralement circonscrit à certaines portions du territoire, il est aujourd’hui décrété sur l’ensemble du territoire, comme ce fut le cas en 1961, lors de la guerre d’Algérie et en même temps qu’il a été fait recours aux pouvoirs exceptionnels de l’article 16 de la Constitution. Ce n’est donc pas la première fois qu’il est décrété, mais la sixième, après les précédents en lien avec la guerre d’Algérie (1955, 1958 et 1961), la Nouvelle Calédonie (1984) et les émeutes dans les banlieues (2005). Il ne préjuge pas des mesures qui pourront être prises par la suite.

Soit la situation de crise se résorbe et il en constituera la seule réponse. Soit elle perdure et il pourra être prorogé, mais il faudra une loi au-delà de douze jours. Soit elle s’aggrave et les autres mécanismes pourront être enclenchés. Ce pourra être l’état de siège, également décrété en Conseil des ministres mais qui ne peut l’être qu’en cas de péril imminent résultant d’une guerre étrangère ou d’une insurrection armée (art. L. 2121-1 du code de la défense). Il a pour effet de transférer à l’autorité militaire tous les pouvoirs de police générale. Il n’a jamais été décrété sous la Vème République.

Ou ce pourra être le recours aux pouvoirs exceptionnels de l’article 16, permettant au Président de la République de prendre toutes les mesures assurant aux pouvoirs publics constitutionnels les moyens d’accomplir leur mission, en menace grave et immédiate aux institutions, à l’indépendance de la nation, à l’intégrité du territoire ou d’interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics. Il n’a été mis en œuvre qu’une seule fois, en 1961, lors du putsch des généraux en Algérie. Autant dire que ces deux autres mécanismes sont bien plus puissants mais aussi bien plus alarmant que l’état d’urgence. Ils constituent dès lors une réponse à des situations ou des menaces encore plus graves et s’intègrent dans un système gradué de moyens dont l’État dispose pour assurer la protection de ses populations, ce qui est son premier rôle, en tant que fondement même du contrat social.

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