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Conditions sénatoriales

« Stabilo ! »
Tel était l’outil indispensable et le mot d’ordre de Gérard Larcher lors de sa conférence de presse du 24 janvier 2018, au cours de laquelle il a présenté les propositions du groupe de travail qui réfléchit à une réforme constitutionnelle. Ledit « stabilo » devait servir à marquer les « lignes rouges », ou « jaunes », en fonction de la couleur de l’ustensile, au-delà desquelles il ne sera pas possible d’aller.

Rappelant qu’il faut toujours toucher à la Constitution avec prudence, le Président du Sénat a dit qu’il était ouvert à un dialogue pour mieux faire la loi, mieux répondre aux attentes des citoyens, les réconcilier avec leurs parlementaires, préserver la représentation des territoires.

Les propositions avancées sont à ce point précises qu’elles s’apparentent davantage à des conditions posées

Il est ainsi favorable à des mesures « consensuelles » : réforme du Conseil supérieur de la magistrature, suppression de la Cour de justice de la République ou des membres de droit au Conseil constitutionnel. Elles n’ont toutefois de consensuel que la récurrence de leur discussion et non leur adoption. Déjà en 2013, des projets de loi constitutionnelle avaient été déposés en ce sens, mais abandonnés, faute d’accord… du Sénat !

Au-delà, le Président du Sénat est ouvert à la discussion. Mais les propositions avancées sont à ce point précises qu’elles s’apparentent davantage à des conditions posées.
Le groupe de travail qu’il a réuni s’est concentré sur deux sujets présentés comme complémentaires : la fabrique de la loi et l’encadrement de l’Exécutif. Comprenons ainsi que le Sénat n’est prêt à discuter le premier que si le Gouvernement est disposé à aborder le second.

En particulier, si la réduction du nombre de parlementaires n’est pas « la » solution d’un meilleur fonctionnement du Parlement, le débat peut s’ouvrir… mais à la condition de constitutionnaliser le principe d’au moins un député et un sénateur par département. De même, Gérard Larcher est attaché au scrutin majoritaire, pour éviter les parlementaires « hors-sol ». Autant de conditions qui ne vont pas ravir son homologue de l’Assemblée nationale.

Défenseur du bicaméralisme, il a également évoqué l’encadrement de la procédure accélérée et rejeté l’abandon de la nouvelle lecture, en cas d’échec d’une commission mixte paritaire.

Il propose, en outre, que le Gouvernement, qui serait constitutionnellement limité à 20 membres, paritaire et soumis aux mêmes règles de non cumul que les parlementaires, soumette une feuille de route au Parlement, deux fois par an. Ce dernier devra disposer des moyens de contraindre le premier à prendre les décrets d’application des lois et toutes ses commissions pourront être dotées de pouvoirs d’investigation, à l’instar des commissions des finances.

Passer par référendum serait politiquement suicidaire

En revanche, il a rappelé son hostilité à tout artifice politique sans lendemain. Il s’oppose ainsi à la limitation à trois mandats identiques successifs, qu’il considère comme un gadget, ne concernant qu’un nombre très faible de parlementaires.

Pour surmonter cette opposition, on pourrait recourir au référendum de l’article 11, nous dit la Garde des Sceaux, car cela ne relève pas de la Constitution. Si l’on est heureux d’entendre que l’Exécutif admet enfin que l’article 11 ne peut pas servir à réviser la Constitution, il n’est pas certain que le non cumul des mandats dans le temps relève de la simple loi organique. Mais passer par référendum serait politiquement suicidaire.

En effet, il s’agit d’une question d’inéligibilité : elle affecte un candidat, placé dans une situation rendant sa candidature impossible. Elle concerne donc le suffrage et la liberté des électeurs. Les cas d’inéligibilité sont principalement destinés à préserver les électeurs face à des candidats pouvant user de leur position pour faire pression sur eux.

Selon l’article 25 de la Constitution, les règles relatives aux inéligibilités relèvent bien de la loi organique. Mais s’agissant de la liberté du suffrage, le Conseil constitutionnel les contrôle strictement. En particulier, il s’assure qu’un cas d’inéligibilité est « nécessaire au respect du principe d’égalité devant le suffrage et à la préservation de la liberté de l’électeur ».

Il n’est donc pas acquis que cette mesure puisse être adoptée par la loi organique, sans violer la Constitution : elle restreint la liberté de l’électeur, elle ne concerne qu’une vingtaine de parlementaires et elle n’est pas indispensable au renouvellement des assemblées, déjà largement renouvelées en 2017, sans cette règle.

Surtout, au regard des nombreuses conditions posées par Gérard Larcher, il est certain qu’un recours au référendum s’apparenterait à un passage en force contre le Sénat, qui s’opposerait alors à toute révision constitutionnelle à venir. D’autant plus que, fier de la récente modification de son Règlement interne, relative à la législation en commission, le Président du Sénat a rappelé qu’il n’y a pas toujours besoin de réforme constitutionnelle, mais de pratique institutionnelle.

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