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Président et Parlement

L’instant est mal choisi, mais l’intention est bonne. Le mécanisme doit être modernisé, mais l’exercice est conforme à l’esprit de la Ve République.

Pour la deuxième fois au cours de son mandat, le Président de la République a fait usage, le lundi 9 juillet, de l’article 18 de la Constitution, lui permettant de faire une déclaration devant les parlementaires, réunis en Congrès. L’an dernier, il le fit peu après les élections législatives et la veille de la déclaration de politique générale du Premier ministre. L’instant était idéal.

Souhaitant céder à une tradition annuelle, l’exercice est réitéré au même moment, avec une semaine de retard. Mais ce qui se justifiait l’an dernier, par l’ouverture de la législature, ne se justifie plus cette année, en fin de session parlementaire.

S’il s’agit de faire un bilan de l’action passée, cette déclaration avait surtout pour objectif de fixer le cap des actions à venir, comme l’a expressément indiqué le Chef de l’État. Or cela est censé intervenir en ouverture, non en fermeture, au moment où la session s’ouvre et les parlementaires se mettent au travail, non au moment où ils sont concentrés sur la préparation de leurs vacances.

Permettre un échange entre Président de la République et parlementaires n’altère en rien la séparation des pouvoirs

Mais l’intention est bonne. Le mécanisme de l’article 18, introduit par la révision constitutionnelle de 2008, se justifie ainsi par deux raisons. La cohésion nationale, d’une part : c’était le sens de la déclaration de François Hollande, le 16 novembre 2015. La définition de la politique nationale, d’autre part : c’est ce qu’entend faire Emmanuel Macron, en venant chaque année devant le Congrès, comme il s’y est engagé pendant la campagne électorale.

C’est pourquoi les parlementaires qui boycottent cette rencontre ont tort. Quoi que l’on pense de la politique qu’il mène, il est le Président de la République. Il use d’une prérogative que la Constitution lui attribue, sans en abuser. Les parlementaires doivent alors assumer leurs propres responsabilités, en assistant à cette déclaration, pour mieux en dénoncer le contenu, le cas échéant.

Le mécanisme mérite toutefois d’être modernisé, car il paraît à la fois désuet et illogique d’interdire au Chef de l’État de répondre aux parlementaires, si ces derniers décident de l’interpeller. Aujourd’hui, un débat « peut » avoir lieu, mais « hors sa présence ». Telle était la volonté de Nicolas Sarkozy, en 2008, qui souhaitait simplement moderniser un mécanisme vieux de plus d’un siècle, tout en respectant la séparation des pouvoirs.

Permettre un échange entre Président de la République et parlementaires ne l’altère en rien.

L’un et les autres doivent leur existence au peuple et ne sont responsables que devant lui. L’un et les autres se soutiennent mutuellement : les parlementaires en confiant une majorité au Président, lequel a contribué à leur élection et le Président en écoutant les attentes des parlementaires sans lesquels il ne peut mener aucune réforme.

L’un vient donc présenter les orientations de la politique nationale aux autres, à charge pour ces derniers de faire part de leur positionnement. Le premier doit donc être en mesure de leur répondre. Le principe de séparation des pouvoirs, entendu comme une collaboration entre les pouvoirs, n’en est pas remis en cause pour autant.

Tout cela demeure conforme à l’esprit de la Ve République. On peut critiquer et contester la place qu’occupe le Chef de l’État. On peut dénoncer l’absence de possibilité d’engager sa responsabilité. On peut souhaiter que tout cela change ou évolue.

Mais on ne peut pas nier que c’est exactement conforme à ce que le et les fondateurs du système actuel ont souhaité établir : désigner un chef de l’Exécutif, bénéficiant d’une légitimité suffisante pour conduire la politique nationale, assisté d’un Chef de Gouvernement qui bénéficie du soutien parlementaire. On ne peut pas nier davantage que c’est ce que souhaitent les Français, au moins jusqu’à présent, car jamais, alors qu’ils en ont systématiquement la possibilité, ils n’ont confié le pouvoir à un Président qui entendait remettre en cause ces fondamentaux, ou à une majorité qui lui serait hostile, ce qui reviendrait à peu près au même.

Au contraire, hors cohabitation, ils élisent systématiquement un Chef, sur la base d’un engagement politique et lui octroient une majorité pour le mener à bien. Un ouvrage qui vient de paraître sur L’initiative de la loi* montre comment le chef du Gouvernement dispose de ce droit pour traduire juridiquement son action politique. Il souligne d’abord la correspondance que l’on trouve entre les prérogatives des chefs de gouvernement, dans les systèmes parlementaires et celles des chefs de l’État, dans les systèmes présidentiels. Il démontre ensuite l’importance du Premier ministre au sein des premiers, où il se situe à l’articulation formelle entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif.

En France, l’initiative de la loi appartient formellement au Premier ministre et aux parlementaires, mais le Président de la République est étroitement associé à sa gestation. Il faut ainsi retenir la complémentarité duale au sein de l’Exécutif, dont le Conseil des Ministres est le lieu de rencontre : le Président impulse, le Premier ministre concrétise, le Président arbitre, le Premier ministre formalise.

Tout cela est alors également conforme à la démocratie parlementaire, car ce soi-disant « hyper-pouvoir » du Président n’est rien d’autre que le pouvoir du Parlement : grâce au soutien parlementaire, le Président peut nommer un Premier ministre qui sera son relais institutionnel et sans soutien parlementaire, le Président ne pourrait rien et n’aurait aucun pouvoir (ou presque).

Il faudrait donc simplement que la Constitution intègre ce qui résulte aujourd’hui de l’esprit et de la pratique, en formalisant qu’il appartient au Président de définir la politique nationale, en collaboration avec le Premier ministre. Le débat actuel sur la révision constitutionnelle serait une excellente occasion.

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