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Matignon après le 7 mai : case neuve ou Cazeneuve ?

On lui promettait d’être le Premier ministre qui « éteindrait la lumière », voici qu’il sera peut-être celui qui sauvera la maison républicaine.

Qu’adviendra-t-il de Bernard Cazeneuve et de son Gouvernement au lendemain du 7 mai ?

On sait déjà que mission (impossible) lui a été confiée de mener la bataille des législatives et de tenter, si ce n’est de remporter une victoire, au moins d’éviter une déroute pire que celle de 1993 (où les députés socialistes se retrouvèrent 57).

Mais la question qui anime quelques débats actuellement est celle de savoir s’il se maintiendra à Matignon, lors de la passation de pouvoir entre François Hollande et son successeur. Le Premier ministre devra-t-il démissionner ?

Traditionnellement, oui. Mais juridiquement, non.
 
Sur le plan du droit, l’article 8 de la Constitution est très clair : « Le Président de la République nomme le Premier ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du Gouvernement ». Pour mettre fin aux fonctions du Premier ministre et du Gouvernement, la fin des unes ne pouvant se passer de la fin des autres, il faut que le Premier ministre présente la démission du Gouvernement.

Il n’y a que deux hypothèses où il y est juridiquement tenu, prévues à l’article 50 de la Constitution : le vote d’une motion de censure ou la désapprobation d’une question de confiance. En dehors de ces cas, personne ne peut juridiquement le contraindre à la démission.

Néanmoins, traditionnellement, le Premier ministre démissionne au lendemain d’élections nationales, c’est-à-dire après la présidentielle et les législatives, quel qu’en soit, d’ailleurs, le résultat.

Cette tradition s’explique par la logique institutionnelle de la Vème République, qui veut que le Premier ministre et son Gouvernement procèdent du Président de la République et soient soutenus par une majorité parlementaire. C’est ce qui est confirmé par l’absence formelle d’investiture parlementaire : la seule nomination présidentielle suffit à établir le Gouvernement.

La conséquence est immédiate : un Premier ministre ne saurait se maintenir ni lorsque le Président souhaite en changer ni après des élections nationales, qui expriment une nouvelle légitimité, voire une nouvelle majorité.

C’est alors au Président de la République de décider d’en tenir compte. Le Premier ministre, en démissionnant, lui en laisse le soin.

Cela peut conduire à la confirmation du même chef de Gouvernement, généralement après des élections où le Président a lui-même été conforté (comme en 1962, 1965, 1967, 1973, 1978, 1981, 1988 et, depuis 2002, le quinquennat et la synchronisation des calendriers, au lendemain de chaque élection législative) ou, au contraire, à un changement approprié (comme en 1968 et, hormis 1965, après chaque élection présidentielle).

Aucun Premier ministre, jusqu’à présent, n’a tenté de demeurer en fonction au lendemain d’une élection présidentielle. Pas même Georges Pompidou, en 1965, qui savait qu’il serait reconduit, ni même Raymond Barre, en 1981, au lendemain de la victoire de François Mitterrand.

Pourrait-il en aller différemment de Bernard Cazeneuve ?

Ce serait politiquement délicat, car la légitimité du nouveau Président est réelle : il est élu par une majorité absolue d’électeurs qui se sont exprimés.

Mais un tel scénario n’est pas totalement exclu.

Pour cela, il faudrait d’abord une forte abstention au second tour, réduisant, voire anéantissant alors ladite légitimité. Il faudrait ensuite que le Président élu soit considéré comme un ennemi de la République.

Le Premier ministre pourra compter sur sa majorité qui, au besoin, le confortera : actuellement, c’est toujours la gauche qui est majoritaire à l’Assemblée nationale. Le Parlement est toujours en session, ne l’oublions pas et, si nécessaire, une question de confiance pourra être posée. Une partie, au moins, de l’opposition pourrait s’y adjoindre ou, a minima, s’abstenir.

Dans cette hypothèse, rien ne pourrait constitutionnellement le contraindre à démissionner. Et celui qui était condamné à éteindre la lumière du quinquennat pourrait devenir celui qui évitera que ne s’éteigne celle de la République.

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