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Ceci est la représentation d’une affaire d’État

Ceci n’est pas une affaire d’État. C’est la représentation d’une affaire d’État.

Ce que l’on appelle communément « l’affaire Benalla », voire « l’affaire Benalla Macron » n’est pas une affaire d’État. Elle devait se cantonner à une affaire d’été et elle devient une affaire d’automne. Elle concerne principalement des faits commis lors des manifestations du 1er mai 2018 par un ancien collaborateur du Président de la République, désormais licencié pour faute.

En raison sans doute du contexte de tension croissante entre le Parlement et l’Exécutif depuis les élections de 2017, de l’arrogance voire du mépris du Chef de l’État à l’égard des parlementaires et, particulièrement, des sénateurs, ces derniers ont décidé de s’affirmer dans le rôle qui est le leur : contrôler.


Le Parlement a pour mission de représenter, légiférer, contrôler. Le contrôle parlementaire est essentiel dans une démocratie car il est le corollaire de la responsabilité, dont on ne saurait se passer dès lors que l’on exerce le pouvoir. Tel est précisément l’objet d’une commission d’enquête ou, plus précisément dans l’affaire qui nous occupe, des pouvoirs d’enquête confiés à la commission des lois dans le cadre d’une mission d’information.

Des propos ont été tenus et des positions ont été défendues, notamment par des membres éminents du Gouvernement (Garde des SceauxMinistre des relations avec le Parlement), quant à l’illégitimité de la mission des sénateurs. Ils violeraient doublement le principe de la séparation des pouvoirs, en s’immisçant dans le périmètre de la présidence de la République, alors que le Président n’est pas responsable, ou en enquêtant parallèlement à des poursuites judiciaires en cours, alors que c’est interdit par l’ordonnance relative aux commissions d’enquête.

Mais c’est confondre Président et présidence de la République, ou enquête judiciaire et enquête dans un cadre politique.

Le Président de la République n’est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, mais cela ne s’applique ni à ses collaborateurs, ni à la présidence de la République, en tant qu’institution. Les premiers ont pu être auditionnés par le Parlement, la seconde peut faire l’objet d’un contrôle (notamment financier, par exemple). De surcroît, les parlementaires et, aujourd’hui, les sénateurs mènent une mission politique, non judiciaire, comme l’a rappelé Philippe Bas au début de l’audition de M. Benalla ce matin. Ils souhaitent établir des faits, en lien avec les services de protection des hautes personnalités, afin d’identifier d’éventuels dysfonctionnements dans les services de l’État, comme c’est leur droit. Ils ne mènent pas une enquête judiciaire, liée à des infractions qui ont pu être commises, ils se bornent à établir des faits, non à préparer une instruction pénale, pouvant conduire à une condamnation.

Là n’est toutefois pas l’essentiel dans cette « affaire ».

Si M. Benalla a effectivement eu un « comportement de voyou », le 1er mai, comme l’a dit M. Castaner, s’il s’agit effectivement d’une « affaire d’été », si la présidence de la République se désolidarise totalement du protagoniste principal et n’a rien à cacher à ce sujet, pourquoi y a-t-il une telle pression de la part de l’Élysée sur le Sénat ? Si la Garde des Sceaux a décidé de ne pas s’opposer à la création des commissions d’enquête (car elle aurait pu le faire, précisément au nom de la séparation des pouvoirs législatif et judiciaire), pourquoi tenter aujourd’hui de dénoncer une immixtion des sénateurs dans l’enquête judiciaire, qui n’est d’ailleurs pas vérifiée ? Si M. Benalla avait des missions précises et établies, s’il a effectivement été sanctionné, pourquoi sa fiche de poste et les pièces relatives à cette sanction n’ont-elles pas été transmises aux sénateurs qui les ont demandées ? S’il s’agit effectivement d’une » tempête dans un verre d’eau », comme Emmanuel Macron souhaite le laisser entendre, pourquoi s’est-il fendu d’un appel téléphonique à Gérard Larcher, pour lui signaler ce qui lui paraissait être des excès ?

Ce sont pourtant cette agitation et cette fébrilité qui donnent toute son importance à cette « affaire » : ce n’est pas tant les agissements de M. Benalla le 1er mai ou sa mission officielle au cabinet du Président qui animent l’intérêt des sénateurs, des journalistes et de l’opinion. Mais bien le « bras de fer », aujourd’hui, entre l’Exécutif et les Sénateurs, qui souligne d’ailleurs à quel point ces derniers et le Sénat sont essentiels à l’équilibre institutionnel de la Ve République.

L’affaire Benalla n’est donc toujours pas une affaire d’État. Mais pourrait bien constituer la représentation d’une affaire d’État.

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