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Une Constituante ? Mais pour quoi faire ?

On ne change pas de Constitution comme on change de chemise… ou de costume.

Certes, la France est passée reine en matière de changements constitutionnels, ayant connu, depuis 1789, près d’une quinzaine de régimes différents et autant de Constitutions, souvent révisées, parfois inappliquées. Toutes ne furent pas adoptées par une assemblée constituante et rares sont celles qui ont finalement été ratifiées par referendum.

Rappelons que celle de la Vème République, effectivement adoptée par referendum le 28 septembre 1958, ne fut pas élaborée par une assemblée constituante, ce qui fait figure d’exception en matière de Constitution républicaine.

Mais rappelons surtout que presque tout changement de Constitution et, depuis 1870, toute nouvelle Constitution tiennent à l’incapacité de l’État, non pas seulement à surmonter une crise institutionnelle, mais bien à faire face à une situation de guerre.


En 1870, c’est la guerre contre la Prusse qui aura raison du 2nd Empire. En 1940, c’est la Seconde Guerre mondiale qui anéantira la IIIème République et laissera place à la funeste parenthèse de Vichy. En 1946, c’est la volonté de tourner la page qui fera naître la IVème République. En 1958, c’est la guerre d’Algérie qui marquera le retour du Général de Gaulle et l’établissement de la Vème République.

Sommes-nous en guerre ? Certainement pas et heureusement. Quelle que fût la teneur de certaines déclarations au lendemain des attaques terroristes monstrueuses, la France n’est pas en guerre.

Elle ne l’est pas au sens strict et constitutionnel du terme, car, pour cela, il faudrait une « déclaration de guerre », autorisée par le Parlement. Celle-ci n’a pas eu lieu.
Elle ne l’est pas davantage sur le plan militaire, du moins au sens des guerres que notre pays a pu connaître en 1870, en 1914, en 1939, en 1954.

Si bien qu’une assemblée constituante ne serait qu’un artifice politique, marquant la volonté d’un changement radical des institutions.

Une telle assemblée constituante aurait d’ailleurs bien du mal à être convoquée. Pour ce faire, il faudrait adopter une loi. S’agissant de confier une compétence constitutionnelle, ladite loi devrait être adoptée selon la procédure de révision constitutionnelle, impliquant un accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Or il y a là un obstacle juridique et politique.

Juridiquement, le Sénat s’accordera difficilement avec une Assemblée qui lui est hostile, pour voir lui échapper un sujet dont il sait bien qu’il aura beaucoup à craindre pour ses propres prérogatives. Politiquement, l’Assemblée nationale, fraichement élue, rechignera à se déposséder d’un sujet qu’elle est parfaitement à même de traiter.

Difficile de la créer, il est également inutile de l’instaurer.

La Constitution de la Vème République de 2017 est profondément changée par rapport à celle de 1958. Elle a connu vingt-quatre révisions constitutionnelles, elle a éprouvé sept Présidents de la République et bientôt un huitième, avec autant de styles différents, elle a vu s’affirmer le Conseil constitutionnel, elle a permis aux collectivités territoriales de s’installer librement et durablement. Surtout, elle a offert à notre pays la stabilité politique qui lui faisait défaut et à notre démocratie, la modernité dont elle avait besoin.

Cela ne signifie pas qu’elle n’a pas besoin de nouvelles évolutions. On peut renforcer la démocratie, en permettant aux citoyens d’intervenir plus activement dans l’élaboration des lois (initiative populaire, amendement citoyen, demande de ratification référendaire, etc.). Une évolution plus profonde du régime est aussi envisageable, en supprimant l’élection du Président de la République au suffrage universel direct, en supprimant au contraire le Premier ministre, en fusionnant les deux chambres parlementaires ou l’une d’entre elles avec une autre instance comme le Conseil économique, social et environnemental, en prévoyant la proportionnelle intégrale pour l’élection des députés, etc.

Autant de mesures qui n’imposent pas de recourir à une assemblée constituante, symbolisant la rupture pure et simple ou répondant à une incapacité totale de l’État à fonctionner.

Certes, la procédure de révision constitutionnelle, prévue à l’article 89 de la Constitution, pourrait ne pas aboutir en raison des conditions qu’elle impose et de l’accord nécessaire entre les deux chambres.

Mais c’est d’abord là l’objectif même de la révision constitutionnelle : protéger la norme fondamentale en imposant des conditions exigeantes pour la réviser, commandant d’obtenir un consensus politique et démocratique. En 1962, puis en 1969, le Général de Gaulle a voulu passer outre en sollicitant directement le peuple, par referendum, sur le fondement de l’article 11. Ce faisant, il violait ouvertement la Constitution, quoiqu’il s’en défendît, avec succès la première fois, échouant la seconde.

Aujourd’hui, le Conseil constitutionnel s’y opposerait vraisemblablement, en contrôlant le décret de convocation des électeurs. À moins qu’il n’en ait pas la force, car un Président élu par le peuple confierait immédiatement à l’Assemblée nationale, élue par le peuple, le soin d’adopter une révision constitutionnelle. L’accord du Sénat devrait être recherché mais, s’il est réticent, il ne faudrait que prendre acte de son refus de se conformer au mandat confié par le peuple.

Ce dernier pourrait alors valider définitivement la démarche, par referendum.

Mais là encore, nul besoin d’assemblée constituante.

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