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Négociations constitutionnelles

Tout Président de la République en exercice veut marquer la Constitution de son empreinte. Tous, ou presque, y sont parvenus.

Sans parler du Général de Gaulle, qui établit la Constitution de la Ve République en 1958 et la révisa par référendum en 1962, l’histoire retiendra Valéry Giscard d’Estaing pour la saisine parlementaire du Conseil constitutionnel, François Mitterrand pour l’ouverture à l’Union européenne, Jacques Chirac (et Lionel Jospin) pour la parité et le quinquennat, Jacques Chirac (seul) avec la Charte de l’environnement et le statut pénal du chef de l’État, Nicolas Sarkozy pour la QPC et l’ampleur inédite de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, dernière en date.

Les deux seuls Présidents à ne pas avoir touché la Constitution sont ainsi Georges Pompidou et François Hollande. Ce n’est pas faute d’avoir essayé. Le premier voulut (déjà) introduire le quinquennat, mais renonça à convoquer le Congrès, sachant que la majorité serait insuffisante. Le second voulut entreprendre des réformes à deux reprises, en janvier 2013 puis en novembre 2015, mais dut à chaque fois renoncer, faute de majorité politique.

C’est dire si une révision constitutionnelle impose d’être négociée, pour traduire un certain consensus, puisqu’il faut nécessairement l’accord entre les deux chambres, puis avec 3/5e des parlementaires ou avec le peuple. L’une et l’autre condition ne sont jamais qu’une formalité.

La longueur des négociations a priori n’est pas une garantie du succès de la révision a posteriori

Qu’adviendra-t-il, alors, de la réforme institutionnelle voulue par Emmanuel Macron ?

Notons d’abord qu’il faut bel et bien parler de « réforme institutionnelle » et non de simple « révision constitutionnelle », puisqu’elle passe par des lois constitutionnelle, organique et ordinaire. Elle pourrait dès lors être une réforme de grande ampleur. À la condition d’aboutir.

On pourrait croire qu’elle est en bonne voie. D’abord parce qu’elle a été annoncée dès la campagne présidentielle, puis confirmée, notamment lors du discours devant le Congrès. Ensuite, parce qu’elle fait l’objet de négociations, entre l’Exécutif, les divers partis politiques représentés au Parlement et, notamment, le Président du Sénat, Gérard Larcher. Leur résultat doit être présenté mercredi par le Premier ministre.

Toutefois, on aurait tort de croire que la longueur des négociations a priori garantit le succès de la révision a posteriori. L’échec de la seconde peut ainsi être aussi cuisant que l’intensité des premières. Cela en particulier si le Président de la République tente de passer en force contre le Sénat, comme il paraît le faire.

En effet, si Gérard Larcher est ouvert à certaines concessions, comme il l’a dit, il a aussi fait part de « lignes rouges ». Et ce serait mal connaître l’occupant du Plateau que de croire que l’on peut facilement lui imposer ce qu’il n’a pas accepté, en matière constitutionnelle et même institutionnelle. Sur la première, il faut l’accord de la chambre qu’il préside et dont il contrôle assez largement la majorité. Sur la seconde, la seule majorité de l’Assemblée nationale, voire du peuple, peut suffire. Mais il ne faut pas négliger sa « capacité de nuisance ».

D’une part, il conditionnera certainement l’accord du Sénat à un accord sur les autres textes, qui ne requièrent pas sa validation expresse. D’autre part, les mesures principales de la réforme sont des points qui imposent un accord sénatorial.

D’abord, le « non cumul dans le temps » relève de la Constitution, comme on l’a souligné. Ensuite, la réduction du nombre de parlementaires ne peut se faire que concomitamment à l’Assemblée nationale et au Sénat, en raison de l’équilibre constitutionnel entre les deux chambres et, bien qu’elle passe par la loi organique, la disposition relative au Sénat est « spécifique » à ce dernier et nécessite donc son accord, en vertu de l’article 46, al. 5 de la Constitution.

Il ne reste donc que l’introduction d’une « dose de proportionnelle » qui pourrait se passer d’une acceptation sénatoriale, mais à laquelle Gérard Larcher n’est pas fondamentalement hostile, à condition qu’elle reste limitée.

À cela s’ajoute, enfin, la restriction du droit d’amendement. Mais sur ce sujet, nul n’est dupe : ce n’est que manœuvre de la part de l’Exécutif, qui cherche maladroitement à proposer l’inacceptable, pour mieux le retirer ensuite, montrant qu’il peut faire des concessions.

Nul n’est dupe : ni les parlementaires, qui ne l’accepteront pas, sachant qu’il s’agit là de l’une de leurs prérogatives fondamentales, constitutionnellement garantie et dont ils sauront notamment tirer profit lorsqu’ils se retrouveront dans l’opposition, ni Gérard Larcher lui-même, qui aurait raison d’y voir une manœuvre naïve. Il pourra le rappeler après la prochaine réunion du groupe de travail sénatorial sur le sujet, mardi, à 15 heures.

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