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Trois « non » constitutionnellement marquants

Trois décisions ont particulièrement marqué l’actualité constitutionnelle de ces derniers jours.

L’Italie a dit « non » à la réforme constitutionnelle défendue par Matteo Renzi, ouvrant – avec la démission de ce dernier – une crise gouvernementale et une période d’incertitudes. Au-delà de l’avenir immédiat du gouvernement italien, ce sont bien la stabilité sur le long court et l’avenir de l’Europe qui sont questionnés.

L’Autriche a dit « non » au populisme et à l’extrémisme en élisant Alexander van der Bellen à la présidence de la République. C’est un coup d’arrêt fondamental pour la défense des valeurs et principes constitutionnels qui tissent le lien social en Europe. Mais, s’il n’y a que le résultat final qui compte, on ne peut que difficilement se réjouir de voir une extrême droite atteindre 48,3% des suffrages (avec une participation s’élevant à 64,6%) et marquer une progression de 13,3% de ses électeurs entre le premier et le second tour.

Le Président de la République, François Hollande, a dit « non » à une candidature au renouvellement de son mandat. C’est la décision qui mérite une plus grande attention, pour en comprendre la dimension historique, les raisons et les conséquences.


Elle est historique car aucun Président n’a renoncé à concourir à sa propre succession, sous la Vème République. Ce n’est ni un simple concours de circonstances ni un basique appétit du pouvoir. Cela s’explique par la légitimité conférée par la fonction, à représenter sa majorité, à défendre son bilan et à porter un nouveau projet… qui s’inscrive dans la continuité.

Car cela est également dû au temps politique qui s’inscrit dans le temps long de la réforme, celui de la durée et non de l’instant. Entre préparation, concertation, élaboration, adoption, application, adaptation, l’ambition de mener à son terme les engagements d’une campagne présidentielle requiert une période qui dépasse un mandat de cinq ou même de sept ans.

Il est donc injustifié de défendre un mandat non renouvelable, même de sept ans, car cela ne ferait que précipiter davantage le temps politique. Au contraire, il serait cohérent qu’un candidat se déclare d’emblée candidat à sa propre succession car son projet a besoin de dix ans pour être accompli.

Loin de manifester une ambition qui friserait l’arrogance, cela démontrerait une lucidité et une connaissance de la réalité politique, tout en coupant court, immédiatement, aux tergiversations lassantes sur la candidature ou non d’un Président en exercice. La Constitution, d’ailleurs, s’inscrit dans cette logique, en limitant à deux le nombre de mandats successifs. Surtout, le peuple serait ainsi pleinement associé au projet présidentiel car il aurait le devoir de questionner la responsabilité du Président, à mi-parcours, en le confirmant dans ses fonctions ou, au contraire, en lui indiquant son désaveu.

Cette décision du chef de l’État s’explique par des raisons présentes dès 2012 et qui ont conduit au fait majoritaire contestataire.

En 2012, François Hollande obtient une majorité censée le soutenir pendant le quinquennat. Cette majorité existe car il a gagné l’élection présidentielle et, comme à chaque fois, ou presque, la bipolarisation créée et la victoire remportée se répercutent sur les élections législatives. Nombreux sont les parlementaires qui doivent ainsi leur propre élection à celle du Président : c’est la logique de nos institutions.

Mais cette majorité n’est pas la sienne : n’étant pas le chef du parti, ce n’est pas lui qui l’a construite en négociant les alliances électorales et en décidant des investitures. On voit là un nouveau travers d’une désignation par des primaires. Surtout, il n’a pas su contraindre cette nouvelle majorité à s’aligner, en s’appuyant sur un Premier ministre qui en aurait été issu ou en faisant preuve d’autorité au moindre écart.

Le quinquennat est donc bien marqué par une nouvelle forme de fait majoritaire, inconnue jusqu’alors mais qui pourrait se renouveler. Et il y a donc à craindre pour la stabilité future des gouvernements.

Enfin, cette décision soulève de nombreuses interrogations. Tous les regards se portent sur le Premier ministre, qui bientôt ne le sera plus, comme successeur légitime. Mais il est plus confortable de bénéficier d’un héritage lorsqu’il vous est offert que lorsqu’on l’a forcé… et il n’est point acquis que le Parti socialiste puisse se rassembler derrière une figure qui a su provoquer le départ du candidat attendu et qui a prôné la division en défendant « les deux gauches irréconciliables ».

Certes, la primaire peut faire son travail de rassemblement, si on en suit la logique théorique. Mais encore faut-il que le candidat désigné à son issue puisse se prévaloir d’une véritable légitimité qui dépasse celle qu’il pourrait acquérir dans le cadre d’un congrès du parti.

D’où d’autres interrogations, sur les candidats à cette primaire (réponse le 15 décembre, pour le dépôt des candidatures et le 17, pour l’officialisation de la liste), sur la campagne puis sur la mobilisation (réponse les 22 et 29 janvier 2017), enfin sur la capacité à créer un rassemblement comme savent globalement le faire, en apparence du moins, Les Républicains. Ce rassemblement est la seule condition permettant d’empêcher la présence du Front national au second tour.

Dans tout cela, il n’y a finalement qu’une seule certitude, qui apportera un début de réponse : toute personne dispose jusqu’au 17 mars 2017 à 18h pour déposer sa candidature et ses parrainages au Conseil constitutionnel. D’ici là, tout reste possible.

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