Alors que le Président de la République nous avait habitué, depuis 2017, à être le « maître des horloges », on pourrait croire qu’il a cédé à la précipitation en prononçant, dès le soir des élections européennes, la dissolution de l’Assemblée nationale. Pourtant, cette décision ne doit rien au hasard.
En effet, le résultat de ces élections ont traduit un véritable séisme pour la France et une véritable déroute pour la majorité présidentielle, donc pour le Président de la République qui s’était personnellement impliqué dans la campagne électorale. L’extrême droite avoisine les 40% des voix (avec les listes de Jordan Bardella, de Marion Maréchal-Le Pen et de Florian Philippot), le Rassemblement national n’a jamais été aussi haut, à plus de 30%, tandis que la liste de la majorité demeure en-dessous des 15%, en seconde position. Une telle débâcle électorale supposait d’en prendre la mesure et imposait donc une réaction politique et institutionnelle.
Ce billet est initialement paru sous forme de Tribune dans Le Monde
*
Alors que le Président de la République nous avait habitué à prendre son temps, il semblerait qu’il se soit précipité sur la dissolution. Non seulement est-elle prononcée le soir même des élections européennes auxquelles elle entend réagir, mais elles sont convoquées dans un délai extrêmement court, puisque le premier tour aura lieu le 30 juin, soit dans trois semaines à peine. Cependant, s’il s’agit bien d’un record sous la Ve République, ce délai n’est pas totalement différent de ceux qui ont pu s’appliquer dans le passé.
Sur les cinq dissolutions que l’on a connues jusqu’à présent, depuis 1958, trois d’entre elles ont conduit à des élections moins de vingt-cinq jours plus tard : en 1968 (vingt-quatre jours), en 1981 (vingt-quatre jours) et en 1988 (vingt-deux jours). Il est vrai que lors de ces deux dernières, elles s’inscrivaient dans le prolongement d’une élection présidentielle et ne faisaient donc que poursuivre une campagne électorale déjà menée. Le délai qui a séparé les deux autres dissolutions des élections législatives était quant à lui plus long : quarante jours en 1962 et trente-trois jours en 1997.
Le dimanche 9 juin 2024, pour la dixième fois de l’histoire, les citoyens français se rendront aux urnes pour élire leurs représentants au Parlement européen, ensemble avec les citoyens des vingt-six autres États membres de l’Union européenne. Scrutin particulier s’il en est, l’élection européenne est la seule qui, en France, ne se déroule qu’en un seul tour et, surtout, dont les règles ou le simple principe ne sont pas prévus par la Constitution.
En effet, qu’il s’agisse du Président de la République (articles 6 et 7), de l’Assemblée nationale et du Sénat (articles 24 et 25), des conseils des collectivités territoriales (article 72), des assemblées délibérantes de la Nouvelle-Calédonie (article 77), leurs élections sont constitutionnellement encadrées. Il en est encore de même du référendum, qu’il soit national (articles 11 et 89) ou local (article 72-1). Toutes ces élections relèvent du cadre de la République et participent, directement ou indirectement, de l’expression de la souveraineté nationale.
Ce billet est initialement paru sous la forme d’une interview dans Les Échos.
*
L'adoption par l'Assemblée nationale, après le Sénat, du projet de réforme de la Constitution visant à élargir le corps électoral en Nouvelle-Calédonie a provoqué une poussée inédite de violence dans l'archipel. Pourquoi ?
En Nouvelle-Calédonie, la forme et la méthode sont plus importantes que le fond et le contenu des accords. Actuellement, la Constitution prévoit un mécanisme qui interdit à environ 25.000 personnes de voter sur l'archipel à travers ce que l'on appelle le gel du corps électoral. Si vous n'étiez pas résident en Nouvelle-Calédonie avant novembre 1998, vous ne pouvez pas participer aux scrutins. Sur le plan démocratique, c'est assez difficilement acceptable mais c'est une solution qui avait été retenue en 1998, lors de l'Accord de Nouméa, puis confirmé par une révision constitutionnelle de 2007.
Les indépendantistes en ont pleinement conscience et sont probablement prêts à avancer sur ce sujet crucial. En revanche, pour qu'une solution soit acceptable, il faudrait qu'elle vienne en partie du camp indépendantiste. Son règlement ne peut pas être imposé par la métropole, Paris et le pouvoir central.