La peine ne doit pas faire oublier la culpabilité. Depuis le prononcé du délibéré dans l’affaire des « assistants parlementaires du Front national », par le Tribunal correctionnel de Paris le 31 mars dernier, il n’est plus question que de la peine dont a écopé Marine Le Pen. En réalité, pour être totalement précis, il n’est question que des modalités d’exécution d’une peine complémentaire, car l’exécution provisoire n’est pas, en soi, une peine mais une modalité de son application et l’inéligibilité n’est pas la peine principale, mais une peine qui vient la compléter.
Cette discussion ne doit pas faire oublier que Madame Le Pen, qui continue de clamer son innocence comme elle en a le droit, a été reconnue coupable des faits qui lui sont reprochés et condamnée à quatre ans d’emprisonnement, dont deux ans assortis du sursis. Cette lourde condamnation a été prononcée par le Tribunal correctionnel, soit par trois juges qui composent la formation de jugement, non un seul. Cela signifie que les faits reprochés sont suffisamment probants pour emporter leur conviction. Ils ont également relevé que Madame Le Pen était « au cœur de ce système depuis 2009 », c’est-à-dire qu’elle a exercé un rôle central dans le détournement de fonds publics qui a été retenu par le Tribunal.
Jugement exceptionnel, dans une affaire exceptionnelle, à l’égard d’une justiciable exceptionnelle : tout aurait pu être réuni pour que le jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Paris ce 31 mars fasse figure d’exception. Inculpée et, désormais, condamnée, Marine Le Pen n’est pas une « justiciable comme les autres » : tout le monde ne concourt pas à l’élection présidentielle, a fortiori en se qualifiant à deux reprises pour le second tour et en étant placé en tête des sondages de la prochaine échéance.
La décision du Conseil constitutionnel de ce 28 mars était fortement attendue, car elle portait sur une interprétation donnée à l’exécution provisoire de la peine d’inéligibilité. L’intérêt suscité n’était donc pas dû au fond de la question posée au Conseil constitutionnel, mais au contexte. En effet, dans quelques jours, lundi 31 mars, le tribunal correctionnel de Paris rendra son verdict dans l’affaire des collaborateurs parlementaires des députés européens du Front national, dans laquelle Marine Le Pen est poursuivie et pourrait précisément être condamnée à une peine d’inéligibilité, avec exécution provisoire. Elle ainsi pourrait être privée d’une candidature à la prochaine élection présidentielle.
La Constitution est la norme fondamentale de notre République, pour au moins trois raisons : elle lui donne naissance, elle permet à toutes les autres règles d’exister, elle contient les principes les plus importantes.
En effet, on considère habituellement que la Ve République est née le 4 octobre 1958, jour d’entrée en vigueur de sa Constitution : cette dernière en est ainsi le fondement, à l’instar de toute Constitution qui se trouve être le fondement de l’ordre social qu’elle établit, qui est ainsi un ordre constitutionnel. Ensuite, toutes les normes juridiques de cet ordre social existent en vertu de cette Constitution, soit parce que leurs règles d’élaboration y sont inscrites (par exemple pour les lois), soit parce qu’elles sont elles-mêmes créées en vertu de règles élaborées selon ce que la Constitution prévoit (par exemple des arrêtés ministériels ou des contrats, édictés en vertu de lois). Toutes les règles qui régissent notre vie sociale sont donc supposées respecter la Constitution. Enfin, la Constitution intègre les droits, libertés et principes les plus importants, souvent qualifiés de « fondamentaux » : on les retrouve notamment dans des textes auxquels renvoient la Constitution et qui ont pleine valeur constitutionnelle, telle la Déclaration de 1789, mais aussi dans le texte même de la Constitution, tel ses premiers articles qui posent, par exemple, les principes démocratiques.