Des tensions entre justice et politique



À propos des rapports entre justice et politique, il ne faut pas craindre une judiciarisation de la vie politique, mais bien davantage une politisation de la vie judiciaire. De récentes affaires politico-judiciaires, d’Agnès Buzyn à Nicolas Sarkozy, ont ravivé les tensions entre le monde de la justice et celui de la politique. Si elles ne sont pas nouvelles, quelques améliorations pourraient les réduire.

Justice et politique : les rapports sont permanents, les échanges sont parfois tendus. Ce n’est guère surprenant et de récentes « affaires » l’ont illustré. On aurait pu craindre que la justice soit timorée à l’égard des puissants, voire contrôlée par eux et par l’État, mais elle n’hésite pas, au contraire, à les mettre en cause : on peut y voir un signe de la bonne santé démocratique de notre régime, à la condition, toutefois, que l’action de la justice soit impartiale et non inique. Pour cela, il faut que la politique de la justice soit l’application du droit et non que l’application du droit résulte d’une justice politique.

Ce n’est donc pas une judiciarisation de la vie politique qu’il faut redouter : au contraire, elle est heureuse. C’est bien d’une politisation de la vie judiciaire qu’il faut se méfier, car elle serait dangereuse. 

Justice et politique : des rapports permanents

L’existence d’un ministère de la Justice – seul ministère, d’ailleurs, à être expressément prévu par la Constitution (article 65) – établit une première forme de relation entre justice et politique et il faut s’en réjouir. Que la justice soit indépendante est indispensable : ce principe est constitutionnellement garanti (article 64). Qu’une autorité endosse politiquement la responsabilité des faits et éventuels méfaits de l’administration judiciaire l’est tout autant, surtout dans une démocratie où la justice est rendue au nom du peuple. Le ministère de la Justice est également en charge de la politique pénale de la nation, ce qui ne doit pas lui permettre de donner des instruc- tions aux procureurs dans des affaires individuelles (elles sont interdites), mais l’autorise à leur adresser des instructions générales. Libre à eux, ensuite et dans une indépendance qu’il serait bon qu’ils acquièrent pleinement, de les suivre ou non.
Parallèlement, les échanges entre justice et responsables politiques sont souvent tendus, car la politique étant la vie de la Cité, elle est donc publique et les « affaires » qu’elle génère attisent le feu médiatique. Ces politiques ont alors beau jeu de se mettre en scène, cherchant ainsi à s’adjoindre les faveurs du tribunal de l’opinion, à défaut d’obtenir celles du tribunal judiciaire. Ces derniers mois, la chronique médiatico-politico-judiciaire fut ainsi plutôt abondante : Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale, mis en examen dans l’affaire des Mutuelles de Bretagne, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, poursuivi pour viol et abus de faiblesse, Éric Dupond-Moretti, ministre de la Justice, mis en examen par la Cour de justice de la République (CJR) pour prise illégale d’intérêt, Agnès Buzyn, ancienne ministre de la Santé, mise en examen par la Courde justice de la République pour mise en danger de la vie d’autrui, Nicolas Sarkozy, ancien président de la République, poursuivi dans plusieurs affaires et qui a récemment fait valoir son statut d’ancien Président pour refuser d’être cité à comparaître comme témoin et de répondre aux questions du juge lors d’une audience correctionnelle sur l’affaire dite des « sondages de l’Élysée », dans laquelle il n’était pas poursuivi.
Ces différentes affaires imposent de rappeler deux exigences : d’une part, la nécessité démocratique de répondre de ses actes politiques et, d’autre part, la nécessité politique de préserver les fonctions démocratiques.

Retrouvez l'intégralité de cet article en ligne (disponible sur abonnement) dans la Revue Etudes, 2022/4 (Avril)
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