Elections régionales de 2021

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Les électeurs ne se déplacent qu’à partir du moment où ils ont le sentiment que leur vote compte.

Les élections municipales 2020, dont le second tour a été organisé à la suite du premier confinement, ont été marquées par une chute record de la participation. Dans la perspective des scrutins régionaux et départementaux qui devaient initialement se dérouler en mars 2021, la pertinence d’aménager les modalités de campagne et de participation aux opérations de vote a fait débat. Ont notamment été évoquées la réintroduction du vote par correspondance et l’élargissement
du vote par Internet. Pourtant, ces solutions posent un problème constitutionnel d'égalité et de sincérité du scrutin.

Marianne, 28 octobre 2020
Report des élections régionales et départementales : "L'exécutif at-il peur de cette échéance électorale ?"

La Croix, 05 novembre 2020
Comme aux États-Unis, pourra-t-on voter par correspondance en France ?

France info, 19 juin 2021
Élections départementales : mode d'emploi du scrutin. Lire l'article

BFMTV, 20 juin 2021
Elections régionales: l'abstention au premier tour estimée à 67,5% (projection elabe pour bfmtv). Lire l'article.

Libération, 20 juin 2021
Quand Bardella utilise l’image d’une assesseuse voilé pour sa com un jour d’élection.

France info, 22 juin 2021
Le vote par correspondance et électronique, une fausse bonne idée pour réduire l’abstention. Lire l'article.

France info, 22 juin 2021
Transports, tourisme, patrimoine... À quoi servent vraiment les régions ? Lire l'article.

RCF, 24 juin 2021
Covid-19 : quelles conséquences sur les élections régionales et départementales ?

Sud Radio, 24 juin 2021
Vote électronique : « Rien ne garantit que c'est la bonne personne qui vote, ou qu'elle n'est pas sous influence ». Lire l'article.

Les Echos, 25 juin 2021
Elections : quelles sont les solutions pour vaincre l’abstention ? Lire l'article.

Le Monde, 25 juin 2021
Elections régionales 2021 : le vote électronique, remède à l’abstention ?



Report des élections régionales et départementales : « l’exécutif at-il peur de cette échéance électorale ? »

Professeur agrégé de droit public, Jean-Philippe Derosier analyse les conditions d'un possible report des élections régionales et départementales.


La crise sanitaire bouscule le calendrier électoral. Déjà, les élections municipales de cette année ont connu une organisation extraordinaire, entre deux tours déconnectés au point d’en faire deux élections à un tour, une campagne électorale qui s’est largement tenue dans des formats "à distance" et une abstention record. Désormais, on évoque le report des élections départementales et régionales qui doivent se tenir en mars 2021. Si les raisons le justifiant
paraissent évidentes, les intentions réelles de l’exécutif le sont beaucoup moins et, en tout état de cause, le chemin pour y parvenir est constitutionnellement étroit.

Certes, on peut aisément imaginer que le virus n’aura pas disparu pendant l’hiver, rendant complexe l’organisation d’un scrutin devant normalement se dérouler les 14 et 21 mars, dans des conditions qui garantissent sa sérénité, sa sincérité et une participation réelle. Surtout, les dates mêmes du scrutin ne doivent pas seules être prises en compte, puisqu’il faut aussi que la campagne électorale ait lieu, permettant des échanges avec les citoyens et des débats démocratiques.


L'ARGUMENT DE RICHARD FERRAND NE SAURAIT CONSTITUER UN MOTIF D’INTÉRÊT GÉNÉRAL

Mais l’exécutif et, en particulier, le président de la République ont-ils peur de cette échéance électorale ? En effet, dès la mi-juin, un réajustement du calendrier de ces élections était évoqué, nullement en lien avec la crise sanitaire mais en raison de la réforme territoriale qui tarderait à se mettre en place. Face aux réactions politiques et – espérons-le ! – aux difficultés constitutionnelles d’une telle justification, le gouvernement renonça. Plutôt que de dresser dès le mois de juillet un bilan des défaillances ayant émaillé les municipales, afin d’en tirer les leçons dans la perspective d’une éventuelle poursuite de la crise sanitaire qui affecterait les échéances suivantes, il préféra attendre. Pour annoncer, aujourd’hui, soit cinq mois avant le scrutin, l’éventualité d’un report, en laissant planer le doute sur le nouveau calendrier, trois mois ou deux ans... et sur ses raisons. Richard Ferrand a ainsi indiqué qu’il faudrait préserver la stabilité des exécutifs locaux pour garantir l’effectivité du plan de relance.

Un tel argument ne saurait constituer un motif d’intérêt général suffisant au regard de la jurisprudence constitutionnelle, seul à même de justifier une modification du calendrier électoral. Fort heureusement, il existe un principe constitutionnel commandant que les électeurs exercent leur droit de suffrage selon "périodicité raisonnable", sur lequel veille scrupuleusement le Conseil constitutionnel. Le législateur peut toutefois déroger à ce principe pour un motif d’intérêt général et même, selon la décision rendue à propos de la déconnexion des deux tours des élections municipales de 2020, arguer d’un "impérieux motif d’intérêt général" pour justifier une atteinte objective au principe de sincérité du scrutin. Ainsi, l’accumulation électorale, c’est-à-dire l’organisation la même année d’un trop
grand nombre de scrutins, peut justifier le report de certains d’entre eux, comme ce fut le cas des élections départementales et régionales de 2014, reportées à 2015. Une réforme affectant l’organisation même des conseils élus constitue également une justification valable, telle la modification de la carte régionale et le report, à nouveau, des élections régionales de mars 2015 à décembre 2015. Ces dernières, initialement prévues en mars 2014, ont donc finalement été reportées 21 mois.

LE CHEMIN DU REPORT EST POSSIBLE, MAIS IL EST ÉTROIT

Au regard des circonstances actuelles, de la poursuite de la pandémie, de l’absence de vaccin connu à ce jour, des mesures de prévention toujours plus restrictives, on peut valablement admettre que l’organisation des scrutins de mars 2021 soit délicate, en particulier concernant la campagne électorale qui les précédera. Le risque de contamination et la préservation de la santé, elle-même objectif de valeur constitutionnelle, paraissent constituer des motifs valables d’intérêt général pour justifier un report des élections prévues en mars, à une échéance toutefois rapprochée, qui n’altère ni la périodicité raisonnable ni la
sincérité du scrutin.

Par conséquent, le chemin du report est possible, mais il est étroit : l’option des trois mois paraît recevable, non celle des deux ans. La première répond à un motif d’intérêt général et même à un objectif de valeur constitutionnelle. La seconde, au-delà de son caractère inédit (le record est de 21 mois), altérerait considérablement la sincérité du scrutin en raison de l’élection présidentielle qui se tiendrait avant, en 2022. On connaît l’importance tant constitutionnelle que politique de cette dernière et on ne peut contester l’impact qu’elle a sur les autres élections, dans la logique du fonctionnement de notre régime. Sans évoquer le
soupçon de manoeuvre politique destinée à éviter une nouvelle défaite pour la majorité que ferait inévitablement peser un report d’une telle ampleur, il porterait ainsi atteinte aux principes constitutionnels en vigueur en matière électorale. Et si l’exécutif devait être tenté de contaminer ainsi notre démocratie, nul doute que le Conseil constitutionnel en sera le docteur vigilant.

Par Jean-Philippe Derosier





Comme aux États-Unis, pourra-t-on voter par correspondance en France ?

Des juristes et parlementaires plaident pour le retour du vote postal, supprimé en 1975, dans un contexte sanitaire marqué par la restriction des déplacements.

Au surlendemain de la présidentielle américaine, le sort du scrutin est suspendu au décompte des dizaines de millions de votes exprimés par correspondance. Accusé par Donald Trump de favoriser une prétendue « fraude » au bénéfice de son adversaire, Joe Biden, ce mode d’expression du suffrage par courrier est observé d’un oeil autrement bienveillant par certains Français.

Le contexte de la pandémie, qui pourrait durer au moins jusqu’à l’été, pose en effet la question de l’ouverture du vote par correspondance, alors que la tenue des élections régionales et départementales, prévues en mars prochain, est remise en question. Elles font l’objet de consultations politiques, sous la conduite de l’ancien président du Conseil constitutionnel Jean- Louis Debré, qui pourraient mener à leur report de plusieurs mois.

« Il est temps d’adapter notre vie démocratique à cette réalité sanitaire, appelle Éric Kerrouche, sénateur (PS) des Landes, qui se bat à coups d’amendements, gommés chaque fois par la majorité. Le processus électoral ne peut pas être maintenu éternellement en apesanteur. Même en pleine pandémie, on doit voter. »
Et pour que le suffrage contribue le moins possible à la circulation du SARS-CoV-2, le sénateur, aussi politologue et chercheur au Cevipof, aimerait que les électeurs puissent glisser leur bulletin dans une enveloppe avant qu’il rejoigne la traditionnelle urne. L’élu ne voit aucun obstacle au retour en France du vote postal, supprimé en 1975. Ni dans les délais - « En Allemagne, ils l’ont mis en place en un mois » -, ni sur la sécurité : « Il n’existe pas de système de vote, même en présentiel, qui puisse garantir l’absence de fraude. »


Procédure législative classique

Sur le plan juridique, l’introduction du vote par correspondance aux prochaines élections ne nécessiterait pas de procédure législative complexe. « Une loi ordinaire suffirait pour modifier le code électoral et introduire cette modalité aux scrutins de 2021, confirme Jean- Philippe Derosier, professeur de droit public à l’université de Lille 2. Pour la présidentielle, il faudrait passer par une loi organique, qui nécessite son adoption à la majorité absolue [par l’Assemblée nationale, en cas de désaccord du Sénat] et le contrôle automatique du Conseil constitutionnel. »

Ce constitutionnaliste ajoute qu’une « exception au principe d’homogénéité de la règle » pourrait être introduite lors des élections régionales et départementales : « À condition de poser des critères clairs et vérifiables, on peut par exemple, s’agissant d’un scrutin local, n’introduire ce vote à distance que dans les territoires les plus touchés par l’épidémie. » Jean-Philippe Derosier se pose néanmoins en « farouche » opposant au vote par correspondance, « pas tant pour la complexité de l’organisation ou le risque de fraude, qui peut s’immiscer partout ». « C’est plutôt la rupture de l’instant du vote qui m’inquiète, développe le juriste. Les électeurs ne seraient plus amenés à voter le même jour, aux mêmes heures. Ceux qui se prononceront à distance n’auraient pas l’ensemble des éléments de réflexion dont disposeraient ceux qui se déplaceront physiquement, car plusieurs jours pourront s’écouler entre l’envoi de l’enveloppe et le jour du scrutin. » «
Faire des prochaines élections un crash-test »

Un argument symptomatique d’un « immobilisme un peu ridicule de la démocratie française », estime Romain Rambaud. Cet autre professeur de droit public, à l’université Grenoble-Alpes, est lui « très favorable » à l’introduction du vote par correspondance. De l’exemple américain, il prend les bénéfices - « On voit des taux de participation phénoménaux » - et balaie les doutes : « On n’aurait pas les difficultés inhérentes au système fédéral, où chaque État organise l’élection de son côté. »

Devant les craintes de fraude, Romain Rambaud répond par la bonne tenue des suffrages allemands et suisses. « L’idée peut aussi être de faire de ces prochaines élections un crash-test, envisage le spécialiste du droit électoral. Quelques fraudes, des petites erreurs ? Tant mieux ! Ça permettra d’apporter les correctifs nécessaires avant la prochaine présidentielle. »

Par Corentin Lesueur




Xavier Bertrand peut-il avoir déjà déposé sa liste pour les deux tours des régionales ?

Dans une interview au « Journal de dimanche », Xavier Bertrand, candidat à sa propre succession dans les Hauts- de-France aux élections régionales en juin, annonce qu’il a déjà déposé sa liste pour les deux tours du scrutin. Ce n’est pas possible. On vous explique pourquoi.

« Si le Rassemblement national est en position de l’emporter dans les Hauts-de-France, pourriez-vous envisager un accord avec la République en marche ? » À cette question qui lui est posée dans Le Journal du dimanche, Xavier Bertrand, président sortant de la région des Hauts-de-France et candidat à sa propre succession, répond : « Non ! Il n’y aura pas d’accord. D’ailleurs, notre liste a déjà été déposée pour le premier et pour le deuxième tour. Quelles que soient les manoeuvres d’Emmanuel Macron, je ne changerai rien, ni mon projet, ni mon équipe. On gagne toujours à être droit et clair. » Une réplique de Bertrand ferme en
effet, sauf que dans les faits, il n’est pas possible de déposer sa liste pour les deux tours.

Un problème juridique

Professeur de droit public à l’Université de Lille et spécialiste de droit constitutionnel, Jean- Philippe Derosier explique : « Ce n’est pas possible de déposer une liste pour les deux tours puisqu’on ne sait pas s’il y aura un second tour et, s’il y a un second tour, Xavier Bertrand ne peut pas savoir aujourd’hui s’il sera qualifié. » Bien sûr, il y a les sondages qui donnent le président sortant en tête du premier tour. Mais juridiquement, la démarche est impossible.

Sur le site de la préfecture du Nord, le règlement est clair : « Le dépôt de candidature pour les élections régionales aura lieu, pour le premier tour, du lundi 10 mai au lundi 17 mai 2021 et, pour le second tour, du lundi 21 juin au mardi 22 juin 2021. » Plus loin dans ce règlement, on peut lire que « la déclaration de candidature est obligatoire pour chaque tour de scrutin. Toutefois, compte-tenu des délais très courts pour effectuer ce dépôt des listes en vue du second tour, certaines mesures visent à faciliter cette démarche ». Parmi elles, celleci : « Si la liste du second tour est identique à celle du premier, seul un nouveau formulaire
de déclaration de candidature de la liste doit être rempli et signé par le candidat tête de liste ou son représentant désigné lors du premier tour. »

Un dispositif qui se matérialise par une petite case à cocher par chacun des candidats dans sa déclaration de candidature qui l’engage d’emblée à se maintenir au second tour. Donc, non, Xavier Bertrand n’a pas pu déposer sa liste pour les deux tours de scrutin. Il a seulement pu obtenir de ses colistiers qu’ils cochent cette petite case dès le premier tour, les engageant pour le second, qui plus est « en cas de liste identique ».

Et si le RN était en capacité de remporter la Région, rien n’empêcherait donc matériellement une fusion des listes en capacité de se maintenir au second tour pour constituer un front républicain. Même si, d’ores et déjà, le marcheur Laurent Pietraszewski (tête de liste Hautsde-France Unis) a regretté ce dimanche matin dans un communiqué que son adversaire « annonce clairement que l’alliance républicaine ne constitue pas pour lui une opposition face au Rassemblement national ».

Par Romain Musart




Quand Bardella utilise l’image d’une assesseuse voilée pour sa com un jour d’élection

L’image du candidat RN émargeant dans un bureau de vote à Saint-Denis devant une assesseuse voilée a été largement partagée sur les réseaux sociaux. Anticipant la polémique, Jordan Bardella a lui-même partagé l’image.

Le Rassemblement national a-t-il trouvé le moyen de faire campagne le jour même de l’élection ? Pour le RN ce dimanche, une image vaut mille mots. On y voit Jordan Bardella, candidat du parti d’extrême droite en Île-de-France, voter dimanche matin dans un bureau de Saint-Denis et émarger devant une assesseuse voilée. Diffusée par BFM TV, la vidéo tourne évidemment très rapidement sur les réseaux sociaux, alimentant les moqueries envers le candidat FN.

Car le symbole pourrait paraître gênant pour celui qui avait taclé LREM et Marlène Schiappa en mai, en raison de la présence d’une candidate portant le hijab sur une liste de la majorité présidentielle aux départementales. Son attaque, et la réponse de Stanislas Guerini, avaient provoqué une (énième) polémique sur la laïcité. Mais le vice-président du Rassemblement national diffuse lui-même une capture d’écran de la scène. Une communication calculée, qui permet de maîtriser les conséquences d’une probable polémique à venir et surtout d’inonder l’espace public à un moment où les communications officielles sont interdites pour les partis.

Rien d’illégal

Logiquement, certaines personnalités d’extrême droite ont alors dénoncé les images, avançant notamment que le port du voile pourrait être contraire aux lois électorales. Ils citent pour cela une recommandation du Conseil constitutionnel rappelant que «les bureaux de vote doivent demeurer des lieux neutres dans lesquels les citoyens puissent accomplir leur devoir électoral en toute sérénité et à l’abri de toute pression». Sauf que cette recommandation porte surtout sur l’interdiction de «l’affichage ou diffusion de messages politiques de nature à perturber le bon déroulement des opérations électorales».

A contrario, d’autres personnalités ont défendu l’assesseuse, soulignant son engagement citoyen un jour où l’abstention atteint un nouveau record. En fait, comme le rappelle CheckNews, le port de signes religieux par des assesseurs n’a absolument rien d’illégal. Un rappel qu’a aussi tenu à faire le maire de Saint-Denis, Mathieu Hanotin.

L’élu s’interroge sur les critiques personnelles faites à cette femme. «J’ai pu lire sur les réseaux sociaux que la présence de cette femme dans un bureau de vote était illégitime et scandaleuse […] Je me demande pourtant qui fait acte de citoyenneté dans ce débat ? La femme qui s’engage pour que la démocratie puisse s’exprimer dans les urnes ou bien celles et ceux qui vont lui donner le sentiment qu’elle n’a pas sa place dans notre République ?» Et Mathieu Hanotin de préciser : «Si la neutralité politique est requise dans un bureau de vote, ce n’est pas le cas de la neutralité religieuse. Celles et ceux qui invoquent un quelconque
argument légal ont donc tort.»

Bardella pourrait-il être visé par un recours ?

Au-delà des débats du jour, on pourrait aussi se poser la question de la légalité d’une diffusion, à portée bien évidemment politique, sur les réseaux sociaux par un candidat à une élection le jour même du scrutin. Contacté par Libération, le constitutionnaliste et professeur de droit à l’université de Lille Jean-Philippe Derosier rappelle les «règles de réserve» en vigueur en période d’élection. «On peut appeler à voter de manière générale mais il est interdit d’appeler à voter pour une personne ou un parti en particulier.»

Quid alors de cet exemple d’un candidat reprenant les images d’un média dans le but de créer un événement le jour de l’élection ? «Il faut d’abord se demander si le tweet du candidat en question a une réelle dimension politique puis si cette action a eu un impact sur le scrutin», renseigne Jean-Philippe Derosier. Difficile tout de même d’imaginer que cette publication ait pu influencer des électeurs au point de changer les résultats de ce premier tour en Ile-de-France.

Par Libération




Covid-19 : quelles conséquences sur les élections régionales et départementales

Comme pour les municipales, les élections régionales et départementales se déroulent dans un contexte de crise sanitaire, qui a forcément des conséquences sur la campagne et le scrutin.

En 2020, les Français avaient déjà fait l’expérience d’un vote en pleine épidémie de Covid-19. Un an après les municipales, les choses n’ont pas tant changé : la vaccination progresse, et le nombre de cas positifs baisse depuis plusieurs semaines. Mais la campagne électorale des régionales et départementales a tardé à démarrer. C’est seulement le 13 avril dernier que le Premier ministre a con!rmé les dates du scrutin, et que Jean Castex a précisé
certaines modalités d’organisation : pas de grand meeting, une campagne dématérialisée, des dérogations pour que quelques militants puissent se déplacer au-delà de 10 kilomètres... Des conditions qui n’ont pas vraiment aidé certains candidats peu connus du grand public à émerger.

Alors qu’au contraire, les présidents de région sortants ont plutôt profité de la situation sanitaire. "Les régions, étant dotées de compétences un peu floues, peuvent se saisir de politiques publiques lorsque cela leur paraît opportun, observe Simon Persico, professeur à Sciences Po Grenoble. Donc, les présidents de région se sont saisis de la crise sanitaire pour être très actifs et visibles. Dans les vaccinodromes, par exemple, les logos de la région apparaissaient en gros, c’est une façon de valoriser leur bilan."

PRIME AUX SORTANTS FAVORISÉE PAR CE CONTEXTE SANITAIRE

La dynamique s’est d’ailleurs confirmée lors du premier tour des élections, dimanche 20 juin : beaucoup de présidents sortants ont obtenu de bons scores dans la plupart des régions. "Lorsque des panneaux mettent en avant le soutien financier d’une région, ça n’est pas faire campagne, précise Jean-Philippe Derosier, constitutionnaliste et professeur de droit public à l’université de Lille. Par contre, si vous transformez la région par le nom du président, on n’est plus forcément dans les clous. Se pose aussi la question de la temporalité des campagnes d’affichage : 15 jours avant l’élection ou bien plusieurs années avant. Mais globalement, on est dans le jeu politique, les responsables ont le droit et le devoir de valoriser leurs actions. S’il y a des doutes, c’est au juge de trancher."


UN RÔLE LIMITÉ SUR L’ABSTENTION

Quoi qu’il en soit, l’épidémie a donc eu des conséquences sur la campagne électorale. Et sans doute, aussi, sur la participation des citoyens. "Ce n’est pas la seule explication, mais elle a joué son rôle dans un contexte où il était difficile de mobiliser les électeurs", estime Bruno Cautrès, chercheur au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof).

Malgré tout, d’après une enquête réalisée par Ipsos/Sopra Steria, la crainte du Covid-19 n’arrive qu’en cinquième position dans la liste des raisons invoquées par les abstentionnistes. Loin derrière le sentiment que ces élections régionales et départementales ne changeront rien à leur quotidien, ou bien que les candidats ne leur correspondent pas. La situation sanitaire ne justifie donc pas, à elle seule, le record d’abstention enregistré à plus de 66 %, au premier tour des élections régionales et départementales. "Ce qui est certain, c’est que lors des municipales, on voyait un effet très clair de l’épidémie sur l’abstention car les personnes âgées s’étaient – pour se protéger – beaucoup moins mobilisées que d’habitude, souligne Simon Persico. Cette fois, elles ont davantage voté par rapport aux jeunes. Cette différence n’est pas liée au Covid mais à des logiques de mobilisation classiques, qui font que les personnes les plus âgées sont les plus insérées dans le système politique, alors que les jeunes s’en éloignent de plus en plus."


ADAPTER LE SYSTÈME ÉLECTORAL AUX CRISES

Néanmoins, l’abstention aurait sans doute pu être limitée en adaptant le système électoral. C’est en tout cas ce que pense Romain Rambaud : "La France s’est caractérisée par sa faible adaptation au contexte épidémique, qu’il s’agisse des modalités de vote ou des campagnes électorales, soutient le professeur de droit public à l’université Grenoble-Alpes, et spécialiste de droit électoral. Beaucoup de pays en Europe ont maintenu des taux de participation satisfaisants pendant la période du Covid. Il ne faut pas rendre les Français responsables de l’abstention puisque, p our beaucoup, c’est une absence de volonté des pouvoirs publics de s’adapter à la situation qui a créé cette abstention." Plusieurs solutions sont donc envisagées pour l’avenir : vote par correspondance, vote sur Internet ou encore seuil minimum de participation pour valider une élection.

Par Clotilde Dumay





Elections régionales 2021 : le vote électronique, remède à l’abstention ?

Après un premier tour marqué par une abstention historique, des membres de lamajorité ont appelé à moderniser les scrutins, pour voter plus facilement, et donc de mobiliser davantage les électeurs.

Au lendemain d’élections marquées par une abstention historique, plusieurs ténors de la majorité ont relancé le débat sur le vote électronique. Cette solution, qui figurait parmi les promesses du candidat Macron en 2017, permettrait, selon eux, de voter plus facilement, donc de mobiliser davantage les électeurs.

« Le vote par correspondance, le vote électronique, sont des sujets sur lesquels nous devons progresser », a déclaré Christophe Castaner, président du groupe La République en marche (LRM) à l’Assemblée nationale. Le délégué général du parti, Stanislas Guerini, espère, lui, « mettre en place le vote par Internet dans le prochain quinquennat ». Le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, s’est aussi déclaré « favorable au vote électronique ». Enfin, un groupe de travail ayant pour objectif la modernisation des modalités de vote, est en cours de constitution au Palais-Bourbon.


Est-ce un remède miracle ou une fausse bonne idée ?


Qu’appelle-t-on « vote électronique » ?

Ce terme englobe plusieurs dispositifs informatiques. « Je parlerais de vote électronique lorsque, depuis le moment ou les bureaux de vote ouvrent jusqu’à la !n du dépouillement, il y a une intervention de médias électroniques pendant la journée du vote », résume Chantal Enguehard, enseignante- chercheuse à l’université de Nantes, et ingénieure en informatique. Dans le cadre de scrutins politiques, il en existe surtout deux :

-Les machines à voter ou ordinateurs de vote : l’électeur se déplace dans un bureau de vote, fait son choix sur un écran placé dans un isoloir, puis émarge. Expérimenté dans plusieurs pays, il est testé en France depuis une quinzaine d’années. Lors des élections municipales de 2020, près de 1,2 million d’électeurs (au Havre, à Boulogne-Billancourt, à Issy-les-Moulineaux...) disposaient uniquement de ce moyen de vote, selon l’Observatoire du vote.

– Le vote par correspondance, par Internet : l’électeur vote depuis son ordinateur, par l’intermédiaire d’une interface spécialisée. Nul besoin de se déplacer dans un bureau pour participer à un scrutin. Ce mode de vote est ouvert pour les élections des conseillers des Français de l’étranger et des délégués consulaires.

Que disent les défenseurs du vote électronique ?

Pour les défenseurs du vote électronique, il est un gage de modernisation. C’est ce que déclarait Emmanuel Macron en 2017 : « Nous avons besoin de numériser notre démocratie, en instituant un vote électronique qui élargira la participation, réduira les coûts des élections et modernisera l’image de la politique. »

Le PDG d’Orange, Stéphane Richard, estime aussi que « notre démocratie doit s’adapter à nos vies d’aujourd’hui, en restant irréprochable ». Alors que la numérisation est la norme dans de nombreux secteurs, y compris l’administration, le vote demeure l’un des seuls actes officiels qui nécessitent une présence physique, ou des démarches complexes de procuration. Le recours au vote électronique serait plus économique, notamment pour certains candidats ne disposant pas de bulletins, faute de budget. Il est aussi présenté comme plus écologique, car il mettrait fin aux cahiers d’émargements, professions de foi,
enveloppes et bulletins en papier. Autre avantage : la simplification du vote et du dépouillement permettrait de connaître les résultats du scrutin plus rapidement. Enfin, la crise liée au Covid-19 ajoute un autre intérêt : éviter les brassages de population dans les bureaux.

Que disent les opposants au vote électronique ?

Ses détracteurs estiment qu’un vote sur Internet n’assure pas les mêmes garanties de transparence, de sécurité et de secret que le vote avec des bulletins en papier et des urnes vitrées.

En France, une procédure encadrée par le code électoral assure la fiabilité du scrutin et garantit la confiance que les électeurs accordent aux résultats. Or cette transparence n’est pas la même pour le vote électronique, estime Chantal Enguehard : « Tous les votes sont transformés, puisqu’un électeur va voter en faisant un clic ou en appuyant sur un bouton. Ce geste est transformé en impulsion électrique. Cette impulsion est encodée dans un format informatique qui va suivre d’autres transformations de l’information. Pour le votant, il n’est pas possible de suivre cette transformation car cela briserait le secret du vote. »

Comment garantir l’authentification et l’anonymat de l’électeur ? « Dans le cadre du vote électronique, on a du mal à s’assurer que c’est bien vous qui cliquez sur votre écran », explique Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l’université de Lille et constitutionnaliste. Seule solution : renforcer les procédures d’authentification. Or « plus on sera en mesure de s’assurer que c’est bien vous qui votez, moins on pourra vous garantir que le vote que vous exprimez est secret », précise-t-il. L’autre défi est de disposer d’une plate-forme numérique capable de faire face à 48 millions de connexions – le nombre d’électeurs en France. « En l’état actuel de connaissances techniques, on ne sait pas faire », tranche M. Derosier. L’épisode des pannes en série du site du Centre national d’enseignement à distance (CNED) lors de la rentrée scolaire, le 26 avril, a démontré la fragilité des serveurs utilisés par les services publics.

Pour résoudre ce problème, il faudrait allonger la période de vote. Se pose alors un problème de temporalité politique, souligné par M. Derosier : « Imaginons que l’affaire Fillon éclate trois jours avant le vote. L’électeur qui a voté la veille de la révélation de l’affaire n’aurait sans doute pas voté pareil. » « Est-ce qu’on peut faire aussi bien avec du vote électronique, qu’avec du vote traditionnel, qui est relativement bien organisé ? La réponse est non », arme Véronique Cortier, chercheuse en informatique au Laboratoire lorrain de recherche en informatique et ses applications (Loria-CNRS). Pour cette spécialiste des protocoles de sécurité dans le vote électronique, il faudra encore une dizaine d’années pour que des solutions aussi sûres que le vote avec bulletin papier soient développées pour des élections politiques à enjeu. Trois menaces sont redoutées :

– le piratage des ordinateurs sur lesquels les électeurs votent,
– la cyberattaque du serveur de vote depuis l’étranger. Le risque est réel si l’on en croit le directeur de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi),
– la compromission du serveur par un agent interne au prestataire du vote en ligne, qu’il soit privé ou public.

La plupart des ingénieurs ayant développé des outils de vote reconnaissent leurs limites. « Aucun des systèmes de vote existants n’offre le même niveau de garantie de sécurité que le vote traditionnel sur papier – tel qu’il est organisé en France, par exemple », précise un responsable de Belenios, l’outil français d’élections professionnelles en ligne.

Les chercheurs pointent aussi la technicité et la complexité du vote en ligne, pour les noninitiés.

« Vous ne pouvez pas engager un processus électoral sans que la population ait confiance dans ledit processus », explique M. Derosier, l’opacité d’une élection par Internet risquant de nourrir la défiance politique.

Le vote électronique peut-il accroître la participation ?

Alors que 82 % des 18-24 ans ont boudé la dernière élection, le vote par Internet est présenté comme un recours pour mobiliser les jeunes. Or, selon Mme Cortier, « un certain nombre d’études faites dans d’autres pays montrent qu’il n’y a aucun effet du vote électronique sur l’abstention. »

Actuellement, l’Estonie est le seul pays de l’Union européenne (UE) à avoir mis en place à grande échelle un vote par Internet pour les élections nationales et européennes. Très utilisé, le vote en ligne « n’a pas eu d’impact significatif sur le taux de participation », pointe un rapport de l’Université libre de Bruxelles en 2020. De plus, un rapport d’observateurs électoraux indépendants, réalisé en 2014, signalait « un nombre impressionnant de failles de sécurité et d’erreurs de procédure rendant le système extrêmement vulnérable à des attaques de grande envergure ».

En France, les tentatives réalisées n’ont pas montré un engouement particulier. Lors des dernières élections consulaires, le taux de participation des Français de l’étranger s’est élevé à 12,93 %. Un chiffre, certes en progression (7 % de participation en 2014), mais « le vote par Internet a été la source de nombreuses frustrations et d’agacements de la part des électeurs », en raison des « difficultés techniques », notait le rapport de la commission des lois de l’Assemblée nationale. Dans le cadre des élections professionnelles, le vote électronique « n’a aucun effet » sur la mobilisation électorale, arme Mme Enguehard, citant
les élections au sein des très petites entreprises (TPE) où la participation est passée de 10 % à 5 % entre 2012 et 2021.

Une réponse technique à un « problème politique »

Le vote électronique resurgit à chaque poussée de l’abstention, comme une solution miracle pour occulter les causes du désintérêt des Français pour la politique. « Penser qu’avec une technologie on va pouvoir résoudre des problèmes qui ne sont pas des problèmes techniques, c’est du solutionnisme technologique », juge Mme Enguehard.

Dans Ouest-France, le politologue et maître de conférences à Sciences Po Stéphane Rozès développe une analyse similaire : « Il n’y a pas de solution technique à des problèmes politiques. (...) La crise de la démocratie est celle de la souveraineté populaire et nationale, celle de son contournement. Voilà ce qu’il faut changer. »

Selon l’étude menée par l’IFOP lors du premier tour des régionales, les abstentionnistes évoquent le mécontentement à l’égard des partis politiques, le fait qu’ils ne se reconnaissent dans aucune liste, ou qu’ils ne voient aucune différence entre les projets. « La question de la participation, c’est d’abord la question de l’offre politique, confirme le politologue Jérôme Jaré sur France Inter. Ce sont les meetings, les réunions publiques, le porte à porte qui changent le rapport et mobilisent vraiment les citoyens. La réponse numérique n’est pas une réponse suffisante. »

Par Assma Maad et Clément Perruche
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